dimanche 22 janvier 2017

Trump et l'OTAN - L'inquiétude des pays d'Europe centrale

(rédigé par Olivier Lancelot)

Introduction

Source : Question suivante.
Ce 20 janvier 2017, Donald Trump est officiellement devenu le nouveau président des États-Unis d’Amérique. Dans son programme, il affiche son intention de mettre l’accent sur le développement national des États-Unis comme le démontre son slogan électoral « America First ! » (« L’Amérique d’abord ! »)[1]. Sa priorité étant les États-Unis, il laisse penser à un retour à une politique extérieure plus isolationniste, un retour à la Doctrine Monroe (« l’Amérique aux Américains ! »).

Mais sa politique extérieure se veut-elle réellement isolationniste ? En réalité, si l’Amérique est la priorité absolue, il ne s’agit pas d’un retour à la Doctrine Monroe[2]. La partie concernant la politique étrangère de son programme préconise un rapprochement avec la Russie et la lutte contre le terrorisme mais il menace également d’un désengagement par rapport à ses alliés, notamment dans le cadre de l’Organisation du Traité de l’Altantique-Nord (OTAN), fermement défendu au sein des différents pays d’Europe centrale.

Membres actuels de l'OTAN. Source : Wikipedia.
Trump se retirera-t-il de l’OTAN, s’en dégagera-t-il ou tentera-t-il de rééquilibrer « l’Alliance atlantique » ? L’article tentera de répondre à cette question. Il commencera par expliquer l’importance de l’OTAN au sein de l’Europe centrale, puis analysera les intentions de Trump, puis tentera d’élaborer un scénario crédible, les Relations internationales n’étant pas une science exacte.

La chute des régimes communistes en Europe centrale

Membres du Pacte de Varsovie. Source : Devoirs de philosophie.
Avant 1989, les différents pays d’Europe centrale, à savoir l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, l’Allemagne de l’Est, la Tchécoslovaquie, la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie, se trouvaient au sein du Pacte de Varsovie, dans l’orbite soviétique[3]. Ces pays connurent quasiment tous un passé difficile voire traumatisant par rapport à la Russie au moins à un moment donné de leur Histoire.

Dans ce cadre, on peut noter que, premièrement, la Pologne et les États baltes furent à plusieurs reprises envahis par les Russes et les Soviétiques. Deuxièmement, la Pologne, la Tchécoslovaquie (voire la Hongrie) et la Roumanie furent amputés territorialement au profit de l’Empire russe et de l’Union soviétique. Troisièmement, la Tchécoslovaquie et la Hongrie connurent des interventions militaires soviétiques contre des troubles populaires respectivement en 1948 et 1956.

1955 - 1990 : L'OTAN face au Pacte de Varsovie (Guerre froide). Source : Fréquence Lumière.
A la fin des années 1980, suite à la nouvelle politique de non-ingérence du premier et dernier président de l’Union soviétique Mikhaïl Gorbatchev, les régimes communistes d’Europe centrale se retrouvèrent seuls face à une contestation croissante. En 1989, lorsqu’il devint évident que les troupes soviétiques n’interviendraient plus dans les affaires intérieures des membres du Pacte de Varsovie, un vent irrésistible se mit à balayer les différents régimes communistes de la région, qui disparurent plus ou moins pacifiquement. Fin 1989, le Bloc de l’Est s’était déjà effondré, suivi par l’Union soviétique qui finit, elle-même, par imploser définitivement en décembre 1991.

La réorientation des pays d’Europe centrale en direction de l’Ouest

Source : Nouvelle-Europe.
Si, en vertu des accords sur la réunification allemande, l’Allemagne de l’Est rejoint l’OTAN dès 1990, la présence des anciennes troupes soviétiques en Europe centrale retarda la réorientation de la politique étrangère des pays de la région en direction de l’Ouest. Il fallut attendre l’année 1994 pour que les dernières troupes ex-soviétiques soient retirées d’Europe centrale[4]. Désormais dégagés de tout risque d’ingérence, les PECO (Pays d’Europe centrale et orientale) pouvaient librement se tourner vers l’Occident perçu comme démocratique, libre et prospère.

Ainsi, dès 1999, la République tchèque, la Hongrie et la Pologne rejoignirent l’OTAN, suivis en 2004 par la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie ainsi que, en 2009, par l’Albanie et la Croatie[5]. Cette volonté irrésistible de rejoindre les institutions euro-atlantiques, en particulier l’OTAN et l’Union européenne, vient du fait que l’adhésion à ces institutions est perçue comme un gage d’enracinement de la démocratie et une garantie de sécurité par rapport à la « menace perçue » émanent de la Russie post-soviétique.

Cette composante psycho-historique, née de nombreux traumatismes historiques dans lesquels la Russie joue un rôle clé, explique le fait que, avec le Royaume-Uni, les pays d’Europe centrale sont parmi les plus fervents défenseurs de « l’Alliance atlantique ». Par ailleurs, ces dernières années, face aux tensions croissantes avec la Russie, l’OTAN a accru sa présence militaire[6], notamment en Roumanie, en Pologne et dans les États baltes, afin de « rassurer l'Europe de l'Est, inquiète de la « menace » russe[7] ». L’Organisation est donc toujours un acteur sécuritaire incontournable pour garantir la stabilité et la défense de l’Europe.

Trump, un retrait ou un rééquilibrage au sein de l’OTAN ?

Malgré la fin de la Guerre froide, les partenaires européens apparaissent toujours comme étant parmi les plus fidèles alliés des États-Unis tandis que l’Histoire, depuis 1941, a démontré que la stabilité de l’Europe est primordiale pour les États-Unis[8]. En effet, outre les débouchés commerciaux, les bases que les États-Unis possèdent sur les territoires européens de l’OTAN sont autant d’éléments de puissance et de projection militaire que « Trump ne semble pas prêt à abandonner[9] ».

Suivant cette optique, le nouveau président ne semble pas (plus ?) avoir la volonté de se désinvestir des affaires euro-atlantiques - comme l’indique son discours d’investiture dans lequel il affirme souhaiter renforcer les alliances traditionnelles[10]. Par contre, lorsqu’il menace de le faire, il remet surtout en cause la situation selon laquelle les États-Unis payent beaucoup trop pour garantir la défense de ses alliés à travers le monde, notamment en Europe via l’OTAN. Ainsi, il essaye principalement de faire pression sur les partenaires européens de Washington pour que ceux-ci respectent leurs obligations de contribution financière au budget de l’Organisation (2 % du PIB) .

A titre indicatif, les États-Unis payent actuellement les 2/3 du budget de l’OTAN (3,61 % du PIB) alors que, seuls, quatre États européens respectent leurs engagements financiers à l’égard de « l’Alliance atlantique », soit la Grèce (2,38 %), le Royaume-Uni (2,21 %), l’Estonie (2,16 %) et la Pologne (2 %)[11].

Pour finir, la guerre contre l’État islamique figure en bonne place dans la politique extérieure des États-Unis, laissant présager que l’OTAN aura certainement un rôle à jouer dans cette lutte contre le terrorisme. En effet, Trump ne pourra se passer des bases navales sur la Méditerranée, des bases aériennes d’Europe dans son action contre l’EI.

Conclusion et perspectives

Pour conclure, les États-Unis de Trump ne se désinvestiront pas de l’OTAN et ne s’en retireront encore moins. L’alliance des partenaires européens, les interdépendances économiques, les bases stratégiques sont autant d’atouts qui incitent les Américains à rester présents en Europe et dans l’Organisation.

 Source : Wikipedia.
Néanmoins, si les États-Unis restent dans l’OTAN, des changements sont tout de même à prévoir, même si leurs modalités ne sont pas encore connues. Mais on peut élaborer un scénario sur base de la campagne électorale de Trump. Outre l’augmentation de la contribution financière des partenaires européens au budget de l’Organisation, Trump s’est montré favorable à un nouveau « reset », un redémarrage, un rapprochement avec la Russie de Vladimir Poutine.

Quelles seraient les implications et conséquences sur l’OTAN et les pays d’Europe centrale ? Pour terminer cet article, les lignes suivantes élaboreront un scénario plausible mais à démontrer :

« En vue de détendre la situation de tension croissante entre la Russie et l’Occident, Trump pourrait œuvrer en faveur d’une limitation des interventions américaines et otaniennes au sein de l’espace post-soviétique (Europe orientale, Caucase et Asie centrale), région où l’influence russe est incontournable (voir ci-contre la Communauté des États indépendants[12]), et d’un assouplissement/allègement de la présence des forces de l’OTAN aux portes de l’ancienne Union soviétique. Ainsi, on pourrait imaginer que les forces américaines seraient redéployées de Roumanie, de Pologne et des États baltes vers l’Allemagne ou l’Italie, par exemple.

Cette situation reviendrait, en réalité, à une reconnaissance implicite des sphères d’influence russe et américaine. Néanmoins, elle permettrait également d’atténuer les tensions, les relents de Guerre froide entre la Russie et l’Occident, notamment en stoppant la « course régionale à l’armement » en Europe centrale et orientale.

Pour finir, afin de contre-balancer l’allègement de la présence américaine en Europe centrale, l’Union européenne pourrait insister davantage en faveur de la mise en œuvre toujours plus poussée d’une « Europe de la Défense », qui deviendrait le volet européen du système défensif de l’OTAN… »

L'OTAN et L'Union européenne. En mauve, les membres de l'OTAN et de l'UE ; en orange, les membres de l'OTAN mais pas de l'UE ; en bleu, les membres de l'UE mais pas de l'OTAN. Source : Wikipedia.


Notes et références en bas de page : 
[1] LOWICK Nicolas, « « America First » : Ce qu’il faut retenir du discours d’unvestiture de Donald Trump », La Libre, (en ligne), 20/01/2017, [http://www.lalibre.be/actu/international/america-first-ce-qu-il-faut-retenir-du-discours-d-investiture-de-donald-trump-photos-videos-58824aeacd70ff671dc82009#2], (consulté le 22/01/17).
[2] BOURG Jim, « « L’Amérique d’abord ! » : la politique étrangère selon Donald Trump », RFI, (en ligne), 2016, [http://www.rfi.fr/ameriques/20160427-amerique-politique-etrangere-donald-trump-etats-unis], (consulté le 22/01/17). 
[3] GUERRIER Sophie, « Le pacte de Varsovie est signé le 14 mai 1955 », Le Figaro, (en ligne), 2015, [http://www.lefigaro.fr/histoire/archives/2015/05/13/26010-20150513ARTFIG00316-le-pacte-de-varsovie-est-signe-le-14-mai-1955.php], (consulté le 22/01/17). 
[4] YAKEMTCHOUK Romain, « Bases militaires et stationnement de troupes à l’étranger en temps de paix. Le cas de l’URSS/Russie », Annuaire français de droit international, vol.40, 1994, pp379-418.
 [5] « L’élargissement de l’OTAN : repères chronologiques », Représentation Permanente de la France auprès de l’OTAN, (en ligne), 2013, [http://www.rpfrance-otan.org/l-elargissement-de-l-OTAN-reperes], (consulté le 21/01/17).
[6] « OTAN : exercices militaires et déploiement de force inédit en Pologne », Euronews, (en ligne), 12/01/2017, [http://fr.euronews.com/2017/01/12/otan-exercices-militaires-et-deploiement-de-force-inedit-en-pologne], (consulté le 21/01/17).
[7] SKARZINSKI Janek, « L’OTAN envoie quatre bataillons en Europe de l’Est », France 24, (en ligne), 2014, [http://www.france24.com/fr/20160708-pologne-otan-etats-unis-russie-sommet-deploiement-1000-soldats-poutine], (consulté le 21/01/17).
[8] Ibidem. 
[9] Ibid. 
[10] LOWICK Nicolas, op.cit. 
[11] « State Of the Union : Quelle défense militaire pour l’Europe ? », Euronews, (en ligne), 2016, [http://fr.euronews.com/2016/11/18/state-of-the-union-quelle-defense-militaire-pour-l-europe], (consulté le 15/12/16).
[12] La Communauté des États indépendants (CEI) est une confédération d’États assez lâche ayant succédé à l'Union des républiques socialistes soviétiques en 1991. La CEI (avec l'Organisation du Traité de Sécurité collective et l'Union économique eurasiatique) est un outil important du maintien de la sphère d'influence russe dans l'espace post-soviétique.

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